Travaux des champs
Au début du XX° siècle, l’agriculture ne s’est pas encore spécialisée. Chaque ferme fait de tout : des céréales, de la vigne, des vaches, des brebis, des volailles, parfois des chèvres… Attelés à la charrette, les chevaux servent de moyen de locomotion, et attelés à la charrue, d’outil de labour. Mères et filles s’occupent de la basse cour, de la traite du lait et des menus travaux occupant les soirées : tri des haricots, des châtaignes, ou petits pois à écosser… Pères et fils se chargent des travaux lourds, dans les champs aidés selon la saison et la taille de l’exploitation par des voisins.
Journée de l’agriculteur
La journée se fait au rythme du soleil. On se lève tôt en été, tard en hiver et on se couche peu après la nuit tombée. Pas question de brûler de la lumière tous les jours, ça coûte. En été par exemple, on prend une boisson chaude au lever, vers 5h30, avant de s’occuper des animaux de la ferme et de leur donner à boire et à manger. Un travail auquel on n’échappe pas , à accomplir tous les jours de la semaine, toute l’année et par tous les temps. Ceux qu’il faut traire (vaches, chèvres, brebis) le sont vers 6h00. Vers 9h30, nouveau petit-déjeuner (casse croûte) plus consistant celui-ci : du pain, du fromage, des rillettes, du jambon, des pommes… le tout arrosé d’un petit coup de rouge. Puis départ pour les travaux des champs avec une musette et un tonnelet individuel pour la boisson. Retour à midi, pour le déjeuner, suivi parfois d’une petite sieste. Puis les hommes repartent vers les champs. En fin d’après-midi, ils doivent s’occuper des bêtes, les traire, leur donner à boire et à manger, les rentrer pour la nuit pour celles que l’on avait mis au vert… des tâches qu’ils partagent avec les femmes de la maison. Le dîner clôture la journée. Il est suivi d’une veillée plus ou moins longue en fonction de la saison et rassemblant parfois les voisins. Les villageois sont comme une grande famille où tout le monde se connaît et s’entraide, même s’il y a des tiraillements de-ci de-là.
Quand le temps est mauvais et qu’il n’est pas possible d’aller dans les champs, le cultivateur reste chez lui et bricole ou répare ses outils. Y compris les premières machines agricoles, parce que c’est encore simple. L’art de la mécanique, c’est à cette époque le fil de fer et le marteau. La plupart des outils se transmettent de père en fils.
Trois générations sous le même toit de la ferme
Dans les fermes, les exploitants et les métayers vivaient sous le même toit avec leurs beaux-parents, mais aussi avec le pépé et la mémé. On produisait tout. Il n’y avait jamais de repos, jamais de dimanche, sauf pour aller à la messe ou pour recevoir la famille. Vers 1950, la situation a quelque peu évolué avec l’élevage des volailles que l’on pouvait vendre au marché.
Le métayer
C’est celui qui partage à demi les récoltes avec le propriétaire de l’exploitation. Paysan pauvre et sans terres, il n’a que ses bras et son courage à offrir. Son statut précaire ne l’incite guère à faire évoluer le domaine. Dans la commune, nombreux étaient les métayers, en particulier autour de Borie-Petit.
Un métayer n’aurait pas volé une épingle à une voisine, ni gardé le moindre objet emprunté sans le rendre. Néanmoins, tous leurs principes étaient oubliés lorsqu’il fallait donner au propriétaire la moitié des récoltes. S’il y avait soixante sacs de noix, le métayer en déclarait quarante, les sacs détournés allaient sans doute leur permettre de passer un moins mauvais hiver.
Les batteuses
Lorsqu’elles arrivent au 20° siècle, ces énormes machines impressionnantes passent alors de ferme en ferme pour battre les gerbes qu’on y a rassemblées. Pour une petite ferme, la batteuse travaille une journée ou une demi-journée seulement, mais il faut là encore beaucoup de monde pour aider. Il faut une vingtaine d’hommes : deux installés en haut de la machine qui y enfournent les gerbes que d’autres leur tendent, d’autres pour ligoter la paille, les plus costauds enfin pour lier les sacs de blé (50 kg minimum) et les monter au grenier. Tout cela dans un bruit de moteur à vapeur et dans une nuée de poussière de paille. Rien n’est perdu ! La paille séchée sert de litière aux animaux l’hiver et les balles (coques de épis) sont données aux lapins. Ce n’est qu’après la deuxième guerre mondiale qu’apparaissent dans les exploitations petites et moyennes les moissonneuses-batteuses : faucheuses, lieuses et batteuses à la fois.
Le vendangeur
La commune a occupé beaucoup de son temps à travailler la vigne. C’est tout le village qui pouvait ainsi autrefois aider aux vendanges. Car quand il faut vendanger, tout le monde s’y met, le propriétaire, la maîtresse de maison, les grands-parents, les enfants. Si la vigne est plus étendue, on fait appel aux amis, aux voisins, aux cousins, auxquels on rend parfois la pareille le moment venu. Sur place, dans les vignes, le travail se répartit entre coupeurs, hotteurs et pressureurs.
Les coupeurs font tomber les grappes dans un panier à l’aide du sécateur. Ce travail est réservé aux plus âgés, aux femmes et aux enfants, car il ne demande guère de forces. Il est pourtant fatigant car mené accroupi, dos courbé, genoux pliés, rangée après rangée, d’un cep à l’autre…
Le portage des hottes reste un travail d’hommes. Le préposé déverse le contenu dans une charrette placée à l’extrémité du champ. La charrette va jusqu’au pressoir ensuite pour déverser le contenu.
Le foulage du raisin est remplacé par le pressoir en bois avec son pas de vis. Plusieurs hommes se relaient à la barre pour tourner le pressoir.
Le repas des vendanges est toujours bien arrosé. Puisqu’on a des vignes, on a du vin ! Le dîner offre à tous une soupe et un plat copieux. De préférence du porc, pot au feu, ragoût, civet de lapin, volailles et des tartes de toutes sortes. Jusqu’à 1930, il était suivi d’un petit bal…
La vigne, un dur labeur
C’est vers 1880 que les vignes bien alignées sur fil de fer font place aux plantations anarchiques d’antan. Après les travaux de taille, le vigneron donne fin mars début avril, un premier labour (travail fait à la main ou avec un cheval et charrue selon le contexte). Ce travail est pénible s’il est fait à la houe. En trois semaines, le paysan pioche deux hectares de vigne, aère la terre et détruit les mauvaises herbes. Début mai, il renforce les piquets et tend les fils de fer. Un second labour est donné, plus léger que celui de mars et qui se termine en mai. Après la floraison de la vigne, on rebine la vigne par un troisième labour où l’on retire toutes les mauvaises herbes. (Notre photo : des anciens de Champcevinel de retour de vendanges aux Brousses dans les années 50).
Le bouilleur ambulant
Le distillateur ambulant commence sa saison vers septembre et la termine en mai. Il installe son alambic près d’un point d’eau, parfois au centre bourg ou à l’écart des villages. Le bouilleur de cru trouve le gîte, le couvert et le bois de chauffe dont il a besoin. Les paysans ou producteurs apportent leur marc par charretées ainsi que les fruits fermentés. La rémunération s’effectue au litre. L’eau de vie produite est destinée à l’usage domestique, à la consommation de la famille, voire aux soins du bétail. Une loi fixe les droits de distillation. En 1948, il existait à Champcevinel des ateliers de distallation à Boisset, aux Mazades, Borie-Petit, Puyfaucon, Réjaillac, La Grange, la Lac, Jarrijoux, Penlèbre et Coutures.
Le marchand de peaux de lapins
C’est un petit métier qui a vécu jusqu’en 1970. Dans le village, on entendait un cri : "peaux de lapins, peaux de lapins, peaux !" Le marchand passait à pied ou en vélo avec un sac ou un bâton pour accrocher les peaux qu’il achetait en 1960 pour 0,10 f ou 0,15 F. On sortait dans la rue pour lui faire signe. Il rentrait, soupesait les peaux, discutait et payait le prix sur lequel on s’était mis d’accord. Ces peaux étaient revendues ensuite chez les tanneurs et fourreurs locaux.
Le cantonnier
Autrefois ils n’existaient pas, puisque les routes étaient entretenues par le système de la corvée. Chaque travailleur devant alors y consacrer quelques jours par an. Par la suite et après la Révolution, les communes embauchent des employés municipaux. Le cantonnier entretient les voies en fonction de la saison : l’hiver, il faut déneiger, au printemps réparer les dégâts du gel et nettoyer les fossés, l’été faucher les bords, l’automne ramasser les feuilles mortes. L’étendue de la commune et le nombre de chemins et de routes nécessitaient cet emploi. Le cantonnier pouvait aussi dresser des procès-verbaux aux pêcheurs illégaux ou à certains contrevenants. Il était aussi chargé de nettoyer la place du village, le cimetière, les abords des points d’eau communaux, faire payer les taxes dues à la mairie par certains propriétaires. (Notre photo : Claude Rebière ancien cantonnier de la commune)
Le croque mort
Cette fonction était effectuée par un membre du conseil municipal ou par le cantonnier. Lorsqu’il y avait un enterrement, le cercueil était fabriqué par Monsieur Sudret, le menuisier de la commune. On allait alors chercher le corbillard qui stationnait sous un hangar sur la place du village. Les enfants s’y amusaient souvent, s’en était ainsi.... On attelait le cheval de chez Bargain, et le cercueil était convoyé vers la maison du défunt, souvent avec des enfants installés dessus à l’aller, car les amusements et les distractions pour eux ne faisaient pas légion dans la commune. Au retour, le corbillard se dirigeait vers l’église et la cérémonie funèbre était souvent clôturée par un repas chez la famille de la personne décédée.
La châtaigne
On a longtemps appelé le châtaignier l’arbre à pain, parce qu’il pousse sur les terres arides et que son fruit tient au corps, c'est-à-dire qu’il a une valeur nutritive équivalente à celle des céréales. Avec la pomme de terre, il constitue longtemps la nourriture de base des paysans et Champcevinel n’a pas échappé à la règle. Si bien que l’on retrouve ce fruit sur le blason de la commune, car c’est lui qui a sauvé la population locale de la famine sous l’Ancien Régime.
Les_anciens_habitants_du_bourg_de_Champcevinel (cliquez sur ce PDF)
CHAMPCEVINEL - LA VIE DANS LA COMMUNE - © BERNARD PECCABIN