5 AOÛT 1944 DANS LE CIEL DE CHAMPCEVINEL
- Si on se réfère au monument aux morts de la commune et plus particulièrement à la plaque apposée en l’honneur des deux aviateurs anglais tombés à Borie-Bru, on ne connaît pas vraiment l’histoire de cette journée du 5 août 1944, survenue deux mois environ après le débarquement des alliés en Normandie. Voici quelques éléments d’un témoin oculaire, celui de Jacques Besse, un des fils du Maréchal. Car l’histoire ne nous a jamais dit qu’il y avait eu deux avions, deux morts et deux hommes d’équipages parachutés…
Nos photos :
- Jacques Besse témoin oculaire du crashe
- Avion du type Mosquito
- Zone du crashe près de Borie-Bru
- Plaque commémorative au monument aux morts de la commune
- Témoignage de Jacques Besse âgé de 15 ans à l’époque
- Jeune adolescent, âgé de 15 ans, classé dans la catégorie J3 sur le plan du rationnement alimentaire, j’ai vu de mes propres yeux un avion de combat type "Mosquito" qui s’est écrasé sur la commune de Champcevinel à la bordure d’un bois de châtaigniers, près du château de Borie-Bru, le 5 août 1944.
- C’était une belle après-midi ensoleillée vers les 16 heures, je me trouvais dans la maison d’habitation de mes parents dans le bourg. Je jouais avec mon frère Yves, que j’avais enfermé dans le grenier avec une porte munie d’un crochet. Tout d’un coup les sirènes de la ville de Périgueux se sont mises à résonner annonçant l’arrivée des avions alliés qui venaient bombarder les voies ferrées et les ateliers de réparations de la SNCF. Alors que les bombes se mettaient à exploser, j’étais prêt à courir vers le jardin pour voir ce qui se passait. C’est alors que mon frère pris de peur dans le grenier, se mettait à hurler pour lui ouvrir. Je rebroussais chemin afin de le libérer.
- Puis nous courrions vers le fond du jardin potager jouxtant notre maison. J’ai vu effectivement un avion de combat anglais, amorçant un large virage. Celui-ci trainait à l’arrière un important panache de fumée noire et blanche. Il était suivi par un autre appareil du même type. L’avion en difficulté larguait deux bombes à ailettes qui n’ont pas explosées, près de la ferme de Monsieur Chatenet au lieu-dit la Séparie. Après la libération, celles-ci ont été déterrées de plus d’un mètre de profondeur par quatre prisonniers de guerre allemands et deux sous-officiers artificiers français qui les ont désamorcées. Puis deux aviateurs sont tombés en parachute sur le bois du Château de la Roussie, propriété de Monsieur Tuffier ancien chirurgien.
- J’ai su par la suite que ces parachutistes rescapés de leur appareil ont été récupérés par le réseau de la résistance Samson. L’avion britannique en détresse continu lui son vol et s’écrase en explosant derrière le château de Borie-Brut à la bordure d’un coin de bois. L’appareil qui le suivait a tourné plusieurs fois au-dessus de lui, pour lui rendre un dernier salut. Les explosions des bombes et des balles de mitrailleuses que contenait l’avion ont duré plus d’une heure.
- Ces deux avions de la Royal Air Force avaient mitraillés un train entre Saint-Astier et Razac sur l’Isle, avant de gagner Périgueux. Là, ils s’attaquent aux ateliers de la SNCF du Toulon, mais l’un piloté par Alan Ernest Wraight (lieutenant et pilote de carrière) avec à son bord John Leslie Wilson (sergent-chef de réserve et navigateur) qui volait très bas, touche les fils de haute tension. La queue du fuselage de l’appareil heurte ceux-ci, ce qui occasionne un court circuit et un déséquilibrage de l’avion qui s’écrase au Nord de Périgueux, comme déjà mentionné.
- Dans l’après-midi du lendemain, je me rends avec mon frère Michel sur les lieux de l’accident pour voir les restes de l’avion, là où il était tombé. En traversant un champ, avant d’aborder la route d’Agonac, je vois arriver vers nous un homme d’une quarantaine d’années, portant une chemise et un pantalon golf. En arrivant à ma hauteur, celui-ci m’interroge si j’avais vu des parachutistes tombés de cet avion. Je lui réponds que non, et qu’on avait retrouvé deux morts.
- Comme nous étions dans une période trouble et anxieuse, je me suis méfié de cet homme. Celui-ci me dit que cet appareil avait un équipage de quatre aviateurs. Il questionne même mon frère qui a répondu par la négative également. Il est parti et a rejoint son véhicule sur le bord de la route d’Agonac.
- Avec le recul du temps, je pense encore que mon interlocuteur devait être un agent au service de l’ennemi à la recherche de ces deux parachutistes anglais. Je ne voulais pas dire absolument où ils étaient tombés, afin qu’ils ne soient pas faits prisonniers. Après cette entrevue, nous nous somme dirigés à l’endroit où l’avion s’était écrasé. Nous avons eu une terrible vision qui s’offrait à nous. La carlingue et les moteurs de l’appareil étaient pulvérisés. Les débris jonchaient tout autour de ce coin de bois qui avait pris feu par les explosions. Il restait la queue du fuselage en très mauvais état.
- La veille, soit le jour de la chute, les troupes d’occupation allemandes avaient récupérées les corps des deux morts vers la ville de Périgueux où ils étaient en garnison. A notre retour au foyer, nous racontons à nos parents les péripéties de notre après-midi, surtout la discussion avec cet homme inconnu et suspect qui nous avait interrogés. Avec mon père, nous sommes allés voir Monsieur Tanneux, maire de la commune de Champcevinel pendant plus de 30 ans. C’était un homme très cultivé, avenant, rentier de son état, qui faisait parti de la Résistance.
- Monsieur le maire m’a écouté et m’a dit que j’avais bien agit dans la prudence et m’a réconforté en me disant de ne pas m’inquiéter, ouf… ! Ces deux aviateurs ont été enterrés au carré militaire du cimetière du Nord à Périgueux.
- Une plaque commémorative est apposée au monument aux morts au bourg de la commune de Champcevinel avec l’inscription suivante :
"A la mémoire de l’équipage du Mosquito de la Royal Air Force tombé à Borie Bru le 5 août 1944.
WRAIGHT - A.E. FLYNG Officier pilote
WILSON - J.C. FLIGHT Sergent navigateur
- Le 29 septembre 1991 a été inauguré la rue Wilson et Wraight au bourg de Champcevinel. A la suite de ces évènements, j’ai toujours eu une pensée émue pour ces jeunes aviateurs qui sont venus mourir en combattant sur notre sol de France pour nous libérer du joug de l’envahisseur nazie que nous subissions pendant quatre années.
- Autres renseignements connus sur cet épisode de la guerre
- Selon d’autres sources d’information, l’avion aurait été touché par la défense anti-aérienne allemande à Périgueux. Wraight le pilote, officier de réserve était âgé de 23 ans et habitait Souhampton. Wilson, sous-officier de réserve, originaire de Manchester avait 28 ans. Ils avaient décollé de la base de Predannack, une base du sud-ouest de l’Angleterre, mise en service en 1941 pour se défendre contre les raids de la Luftwaffe. Ils appartenaient au 151° escadron de la Royal Air Force. Ils avaient pour mission la recherche de cibles ennemies.
- Ces deux aviateurs ont été d’abord inhumés au cimetière de Champcevinel puis au carré militaire du cimetière du Nord de Périgueux. Ils reposent au carré 9 tombe 1 et 2.
- S’agissant de la personne qui a interrogé les deux gamins sur les bords de la route d’Agonac, il s’agit certainement d’une personne de la Gestapo. Quatorze jours après, Périgueux était libéré...
Notre photo : Sépulture des deux aviateurs au cimetière du Nord à Périgueux
- Lire aussi crash d’un avion sur Borie Bru sur ce lien
CHAMPCEVINEL - 5 août 1944 dans le ciel de Champcevinel - © BERNARD PECCABIN